Crise dite berbériste de 1949
Crise dite berbériste de 1949
La thèse de l’Algérie algérienne face l’Arabo-islamisme
Introduction :
Je vous présente une modeste contribution à l’écriture
de l’histoire du mouvement nationaliste algérien, portant
impérativement su la crise dite ‘’ Berbériste’’, de 1949. Mon propos
repose essentiellement sur la lecture enrichissante de l’ouvrage
intitulé « La "crise berbériste" de 1949, un conflit à plusieurs faces
», écrit par Amar Ouerdane, politologue canadien d’origine algérienne.
Ainsi que trois témoignages de Sadek Hadjrès, médecin praticien,
chercheur en géopolitique, militant du PPA et premier Secrétaire du PAGS
de Ali Yahia Abdenour, avocat, président de la LADDH, et de Hocine
Benhamza, docteur en sciences économiques de l’université de Paris et
militant au sein du PPA
Mon étude servira peut être à fournir des réponses aux
raisons qui ont provoqué et alimenté les événements d’avril 2001 en
Kabylie, région berbérophone d’Algérie. Et pourquoi le régime algérien
répond-il si violemment en assassinant les manifestants et blessés des
milliers parmi eux ? Il s’agit aussi de décrypter les assises
idéologiques sur lesquels s’appuient les régimes successifs algériens,
pour nier la réalité berbère de l’Algérie. Au-delà, nous précisons que
la revendication berbère n’est nullement de nature nationale ou
séparatiste, mais plutôt d’essence démocratique. À titre d’exemple, la
révolte d’avril 1980 en Kabylie, connue sous le vocable ‘’Printemps
berbère’’ ou ‘’Tafsut Imazighen’’ constitue une réponse à la tromperie
par le gouvernement des contestations culturelles en Algérie. Elle a
contredit de nombreux stratèges politiques et analystes universitaires à
la solde d’un pouvoir négateur, qui avaient voulu démontrer l’existence
d’une seule et unique contradiction : la culture arabo-islamique et la
culture française. Le soulèvement des citoyens de 1980, impose la
reconnaissance d’une autre contradiction fondamentale, laquelle se
dresse entre la population berbérophone et la bourgeoisie dominante, en
terme plus clair les bénéficiaires d’une révolution populaire détournée.
Nature du conflit
Il s’agit plus précisément de deux thèses sur la
fondation de la nation algérienne : Arabo Islamisme d’une part et des
tenants de la thèse de l’Algérie algérienne d’autre part, avec sa
dimension berbère et moderniste, s’entredéchirant au sein du mouvement
nationaliste dirigé par Messali Hadj.
L’Arabo Islamisme
Messali Hadj, patron du PPA au caractère
centralisateur, portait en lui l’organisation nationaliste en luttant
pour l’indépendance. Mais il tend à gommer tous les particularismes, en
puisant ses thèses et ses idées d’un mouvement baathiste (de Baath :
Renaissance en arabe), parti politique au pouvoir en Irak et Syrie
depuis les années 1960. Il fut créé à Damas dans les années 40 par le
chrétien Michel Aflak et le musulman sunnite Salah Al Din Bitar. Le
Baath devient l’une des principales expressions du nationalisme arabe
révolutionnaire. L’unité arabe avant tout, dans sa doctrine. Que les
peuples arabes forment une seule nation aspirant à constituer un Etat et
à jouer un rôle spécial dans le monde. De sensibilité laïque, le Baath
admet cependant le rôle que l’Islam a joué dans l’arabisme et encourage
le socialisme. Il est aussi en faveur d’une démocratie pluraliste et
d’élections libres. Toutefois, le père du mouvement nationaliste
algérien, n’a retenu ni les principes de laïcité, ni les sensibilités
populaires, telle la berbérité, la démocratie pluraliste et moins encore
les élections libres.
Messali était aussi sous la houlette de Chekib
Arslane, un émir oriental qui s’imposera comme son tuteur et
l’entraînera vers l’identitarisme religieux. En considérant l’arabisme
et l’islamisme de l’époque comme des ferments nationalistes. Ce
mouvement nationaliste est responsable de la réorientation du
nationalisme radical de l’ENA, vers un nationalisme moins marqué par les
philosophies des Lumières, et par les esprits libéraux, qui fondèrent
les déclarations des droits de la citoyenneté depuis le XVIIIe siècle.
L’Algérie Algérienne
Ceci étant, la négation de la dimension berbère :
identité, culture, langue… se fait au profit d’une définition
arabo-islamique de la nation algérienne, socle d’une idéologie à
caractère national, populiste, dont les fondements se situent dans le
panarabisme. La régression s’accélère et s’approfondie avec la montée de
cette idéologie, synonyme d’apartheid, fascisme et racisme.
Aujourd’hui, on peut l’affermir et sans crainte de se tromper que
l’arabo-islamisme fait le lit du terrorisme. La prédominance exclusive
de la vulgate arabo-islamiste exclue l’entité Amazighe sur le terrain
politique et social. On reproche à la thèse Algérie algérienne qui remet
en cause le concept de l’Arabo islamisme par le fait qu’elle a éclaté
en France, chez les cadres de l’immigration, et qui n’a pas touché les
militants d’Algérie, pas même en Kabylie, région pourtant
particulièrement concernée. Car en France, il y a l’hypothèse des effets
d’influence de la société française (laïcité, position des jeunes
intellectuels berbères en France, en rupture avec les coutumes
religieuses et les traditions familiales, volonté de sortir d’un
nationalisme jugé trop étroit pour l’intégration plus grande aux luttes
sociales en France). Peu importe, après la défaite politique des auteurs
de la thèse Algérie algérienne devant la direction du PPA, qui n’est
pas d’ailleurs la conséquence de la faiblesse de leur proposition, mais
celle de la fragilité d’une Algérie colonisée, désorganisée, aliénée,
pauvre culturellement, incapable de vivre pour elle-même et de se doter
d’une identité structurante propre. En tout état de cause, l’Algérie
algérienne était et demeure une élaboration généreuse, authentique,
incarnant totalement la dimension qu’elle veut porter. Un demi-siècle
après l’indépendance du pays, les tentatives d’un combat inéluctable,
pour mener le projet à bon port continue toujours avec de nouvelles
forces.
Emergence du concept Algérie algérienne,débuts de la crise
En 1926 : Fondation, à Paris, de l’Etoile
nord-africaine, dirigée par Messali Hadj. Son objectif : l’indépendance
de l’Algérie. Accusée de propagande subversive, elle est interdite en
1929. A cette époque, deux figures importantes, émergent du premier
mouvement nationaliste : Amar Imache et Radjeff Belkacem, nés en
Kabylie. Reconstituée en 1933, l’Etoile nord-africaine est à nouveau
dissoute. Messali Hadj fonde, à Alger, le Parti du peuple algérien.
Après diverses péripéties, en 1945 : Mohand Idir Ait
Amrane, étudiant au lycée de Ben-Aknoun, compose le premier chant
patriotique en berbère moderne, intitulé "Ekker a mmis umazigh" (debout
fils d’Amazigh). Il y évoque les illustres fondateurs de la nation
algérienne : Massinissa, Jugurtha, Kahina... Ouali Bennai, membre de la
Direction de la Grande Kabylie du PPA, est désigné agent de liaison du
Parti avec les étudiants du lycée de Ben-Aknoun, à majorité
berbérophone, originaires de Grande Kabylie.
En 1946 : Amar Kilellil, effectue une tournée en
Grande Kabylie, les militants dont Amar Ould-Hamouda, Mohand Amokrane
Khelifati, Ali Laimèche et Hocine Aït Ahmed, exposent le problème
identitaire berbère. Ils demandent qu’un débat soit entamé sur la
question. Ils chargent Khellil de transmettre à la Direction leur
demande d’avoir des " voix aux délibérations et aux décisions du Parti".
Promotion des militants Kabyles (Berbéristes) au PPA
En 1947 : A l’issue du premier congrès du PPA/MTLD,
quatre cadres de la Kabylie, animateurs du mouvement dit berbériste,
font leur entrée au Comité central du Parti : Omar Oussedik devient
adjoint de Ahmed Bouda, Amar Ould-Hamouda devient haut cadre de l’O.S.,
Hocine Aït-Ahmed devient chef national de l’O.S., et Ouali Bennai
responsable du parti en Kabylie.
"Le message de Yougourtha", ouvrage de Mohand-Chérif
Sahli est diffusé par l’Union Démocratique du Manifeste algérien (UDMA)
de Ferhat Abbas. Il est en même temps saboté par le MTLD.
Réunion des Berbéristes initiée par Ouali Bennai En
1948 : Ouali Bennai invite, en secret de la direction du PPA/MTLD une
quinzaine de militants berbéristes et militants du PPA/MTLD à un
séminaire bloqué. Sont présents : Ouali Bennai, Amar Ould-Hamouda,
Mohand Idir Ait Amrane, Said Ali Yahia, Said Oubouzar, Mohand Cid Ali
Yahia dit Rachid, Sadek Hadjeres... Deux points essentiels sont à
l’ordre du jour : 1- Condamner la politique réformiste du MTLD 2-
Introduire la dimension berbère dans l’organisation de la future Algérie
indépendante. Un rapport est écrit et remis à Ouali Bennai pour
l’exposer devant le Comité central du Parti. Mohand Idir Ait-Amrane est
chargé par ses camarades, à la fin de la réunion, de rencontrer Mouloud
Mammeri pour un éventuel travail sur la langue berbère. En 1948 : Le
MTLD diffuse une brochure de 50 pages intitulée : "Mémorandum à
l’O.N.U.", qui s’ouvre par : " La nation algérienne, arabe et musulmane,
existe depuis le VIIeme siècle". Il occulte, de ce fait, la composante
berbère de l’Algérie. Ce document a soulevé, à l’époque, une indignation
et un climat de mécontentement, de méfiance et de rejet chez les
militants berbéristes.
La Crise Berbériste éclate
En 1949 : Ali Yahia Cid dit Rachid, étudiant en droit à
Paris et membre du Comité directeur de la Fédération de France du
PPA/MTLD, réussit à faire voter une motion dénonçant le mythe d’une
Algérie arabo-islamique et défend la thèse de l’Algérie algérienne. Elle
est acceptée à une majorité écrasante : 28 voix sur 32.
Embarek Fillali, le rouleau compresseur
Juste après ce vote, la Direction du PPA/MTLD, sentant
une prise en main de la Fédération de France par les militants de
l’Algérie algérienne, donne l’instruction à Embarek Fillali,
représentant à Paris, d’organiser un commando pour reprendre de force
les locaux de la Fédération. Au même moment, Radjeff Belkacem, membre du
conseil de la Fédération de France, originaire de Kabylie, réunit le
Comité fédéral constitué de 25 membres et fait voter une motion : "
Condamnation de la déviation politique du Comité Fédéral". Elle
recueille 12 voix pour et 13 voix contre. Suite à ce résultat, Radjeff
se réunit avec quelques militants dont le Dr Chawki Mostefai et Sadok
Saidi, originaires de Kabylie eux aussi, dépêchés par la Direction
d’Alger pour régler le problème et "récupérer" la Fédération des mains
des "scissionnistes". Ils décident ensemble d’organiser des groupes
d’autodéfense contre les berbéristes.
Arrestation des militants de l’Algérie algérienne
De Paris, Ali Yahia Rachid, sentant le danger, suite à
l’intervention de la Direction d’Alger, lance un appel à Ouali Bennai
pour l’aider. Ce dernier, en voulant se rendre à Marseille, est arrêté
par la police. Ensuite suivie par l’arrestation de plusieurs cadres de
la Kabylie Omar Boudaoud, un des responsables de l’O.S en Kabylie, Said
Oubouzar, responsable politique de la région de Tizi-Ouzou, Amar Ould
Hamouda, un des responsables de l’O.S, Oussedik, adjoint d’Ahmed Bouda.
Ces hauts responsables du Parti sont accusés de berbérisme, de
régionalisme et d’anti-nationalisme par la Direction du PPA/MTLD.
Riposte des Berbéristes par la voix pacifique
En 1949 : Vingt-deux (22) responsables de la Kabylie
se réunissent dans la région d’Azazga. Toute la Kabylie y est
représentée, pour débattre du problème du berbérisme et essayer de
débloquer la situation. Un rapport rédigé par Saïd Ali Yahia (étudiant)
devait être remis à Messali Hadj par une délégation composée de trois
membres Abdelkader Ait Sidi Aissa, Cheikh Mohand Ouameur et Messaoud
Oulamara. Sous le pseudonyme d’Idir El-Watani, trois étudiants : Sadek
Hadjeres, étudiant en médecine, Mabrok Belhocine et Yahia Henine,
étudiants en droit et membres de la commission de rédaction du journal
El Maghreb El-Arabi, diffusent une brochure intitulée "L’Algérie Libre
vivra" au sein du PPA/MTLD. Ce, pour "faire connaître les conceptions du
courant de rénovation et démontrer la fausseté de l’accusation de
berbérisme". Ils y développent notamment le concept de "nation". Pour
les auteurs de la brochure, "la nation ne suppose obligatoirement ni
communauté de race, ni de religion, ni de langue". Elle est basée sur
quatre éléments indispensables : "le territoire, l’économie, le
caractère national qui se traduit dans le mode de vie, la mentalité et
la culture, le culte d’un même passé et le souci d’un même avenir". En
réponse aux tenants de l’arabisme, ils expliquent que "l’existence en
Algérie de deux langues parlées (référence aux langues arabes et
berbère) n’empêche pas du tout la compréhension mutuelle des éléments
qui les parlent". Au contraire "la diversité, loin de nuire, est (...)
complémentaire et une source de richesses". Ils montrent l’existence
d’une Algérie antérieure à l’Islam et plusieurs fois millénaire et
complètent l’hypothèse de Messali qui limite l’histoire de l’Algérie au
VIIeme siècle.
Violence et mise au point à la presse sur le P.P.K
En 1949 : Ferhat Ali, militant du PPA/MTLD à
Tizi-Rached est atteint d’une balle de pistolet, tirée par Krim Belkacem
accompagné de Hanafi Fernane et de Akli Djeffel, restés solidaires de
la direction du Parti, après la crise de la Fédération de France. Ferhat
Ali "refuse de se soumettre au diktat des chefs écartant l’ancienne
équipe dirigeante en Kabylie". Le lendemain, l"’Echo d’Alger", quotidien
colonialiste, profitant de l’incident, publie un article sous le titre
"Des membres dissidents du PPA veulent créer le P.P.Kabyle...",
déclaration présumée de Ferhat Ali. Après la lecture de l’article de
presse, le groupe des étudiants berbéro nationalistes décide de dépêcher
Ali Yahia Saïd et un autre militant auprès de Ferhat Ali pour lui faire
signer une mise au point infirmant la déclaration de "l’Echo d’Alger’’.
Cette mise au point est publiée par "Alger Républicain" après le refus
de "l’Echo d’Alger" de la publier. Il y est déclaré qu’ « il n’a jamais
existé et il n’existera jamais de "P. P. Kabyle", pour la bonne raison
qu’il n’y a qu’un peuple algérien dont les éléments, quoique d’origine
ou de langues différentes, vivent fraternellement unis dans une même
volonté de libération nationale".
L’épuration systématique et M.R.B
Après la récupération des locaux du Parti à Paris par
Chawki Mostefai, Belkacem Radjeff, Sadok Saidi et Embarek Fillali, " une
explication générale eut lieu à Alger à la Medersa "Er-Rached" en
présence de tous les responsables du Parti. Les principaux dirigeants du
Mouvement berbère, à l’exception d’Ait Ahmed, parce qu’il était
recherché par la police, furent exclus du PPA". En 1949 : De prison,
Ouali Bennai, voulant connaître la façon dont se déroulaient les
événements politiques, envoie une lettre à Said Ali Yahia, que Maître
Abderrahmane Kiouane, avocat du parti, devait lui remettre. Il lui
demande : "que devient le M.R.B ?". Cette lettre, lue et photographiée
par la direction du Parti, est distribuée à toutes les cellules du
PPA/MTLD. Elle est, pour la direction, une preuve incontestable de la
présence d’une organisation secrète, dite "Mouvement révolutionnaire
berbère’’ mise sur pied par Bennai. Elle déclenche en fait une campagne
anti-berbère. Elle sert à condamner le berbérisme avec une ardeur et un
acharnement jamais connus. Des délégués itinérants sont envoyés par la
Direction du (PPA/MTLD) à toutes les cellules d’Algérie. Leur mission
est de faire condamner le "berbérisme". Leur preuve, la lettre envoyée
de prison par Bennai. Pour l’envoyé à Tiaret, les "berbéristes" "étaient
des alliés objectifs du colonialisme". Ces incidents n’ont pas touché
seulement les berbéro nationalistes mais aussi les militants arabophones
qui soutenaient le concept de l’Algérie algérienne et qui sont en
majorité originaires de l’Oranie. Belaid Ait Medri, agent de liaison de
Kabylie est remplacé par Fernane Hanafi. En 1949 : Le Comité Central du
MTLD convoque Messaoud Oulamara à Alger pour discuter du problème
"berbériste". Il est accompagné de Laifa Ait Waban et Salem Ait Mohand.
Ils sont reçus par Mustapha Ferroukhi, Rabah Bitat, Ahmed Bouda et
Hocine Lahouel (secrétaire général du MTLD). Ce dernier accuse "à tort
et à travers les ennemis du pays, sans les nommer, les agitateurs et les
malhonnêtes". Messaoud Oulamara répond que Messali s’avère "le
principal responsable de la pagaille" que vit le Parti.
Liquidation physique et censure et dissolution
1952 : Liquidation physique de Ali Rabia alias Azzoug,
chef de zone du MTLD à Makouda en Kabylie, pour "berbérisme" sur ordre
de Belkacem Krim. Le spectre des liquidations des berbéristes est ainsi
inauguré. Plusieurs militants de la cause nationale seront assassinés
par les leurs. En 1953 : Le PPA/MTLD, par le biais de son organe de
presse "L’Algérie libre", dénonce la pièce de théâtre de Abdellah Nakil
intitulée "El-Kahina". La pièce mise en scène le 27 novembre 1953 par
Mustapha Kateb, retrace l’histoire de l’invasion arabe et la résistance
des Berbères sous la conduite de Kahina, reine des Aurès. Mars 1954 :
Une association culturelle dénommée ’’Tiwizi I Tmazight" (entraide pour
tamazight) est fondée à Paris par un groupe de militants berbéro
nationalistes dont Ali Boudaoud, Hocine Heroui, Mohand Amokrane Haddag,
Mohand Amokrane Khelifati... Son objectif est le développement de la
langue berbère. Une revue qui porte le même nom est éditée par
l’association. Cette association se dissout sans raison, après le
déclenchement du 1er Novembre 1954 et ses membres rejoindront en bloc le
Front de Libération Nationale.
Témoignages :
Sadek Hadjerès au Kabyle.Com Médecin praticien et
chercheur en géopolitique dans les années 90, militant du PPA, président
de l’AEMAN en 1950, membre du Bureau politique du PCA pendant la guerre
et premier Secrétaire du PAGS de 1966 à 1990. « Des responsables
politiques ou des commentateurs défenseurs ardents de la place de la
berbérité dans la nation, se sont interrogés (d’autres ont avancé des
certitudes tranchantes) quant au bien-fondé de la décision des
démocrates contestataires au début des années 50, de mettre en veilleuse
l’aspect politique de la revendication culturelle berbère. Au total le
groupe qui a tenté un effort d’édification démocratique du PPA avait
pris date en 49 sur le problème de la conception de la nation et de la
politique culturelle. Quant au domaine proprement politique, puisque le
débat n’a pu avoir lieu, il n’était pas parvenu à faire prévaloir les
conceptions démocratiques telles qu’il les avait exposées dans la
brochure éditée, avec les mérites et les limites qui étaient celles de
l’époque et celles aussi d’un groupe numériquement et sociologiquement
restreint. Je pense que ce fut un manque à gagner regrettable pour
l’ensemble du mouvement national. Du moins la quasi-totalité de ses
membres, dans leur diversité idéologique, sont restés irréprochables et
fidèles à leur engagement national. Ils ont poursuivi leur combat
unitaire au sein des diverses formations combattantes et politiques du
mouvement de libération, continuant à entretenir et mettre en oeuvre
l’esprit démocratique et de progrès social qui les animait au cours de
cette crise. » Ali Yahia Abdenour à la Nouvelle République, 4 novembre
2004 Avocat, Président de la LADDH, militant du PPA. « Prenons l’exemple
de Krim Belkacem qui était un petit responsable de la Kabylie. Quand il
y a eu la crise de 1949, il était venu à Tizi Ouzou et plus précisément
à Tizi Rached où il a tiré lui-même sur un militant. Ce dernier était
venu avec mon frère le pharmacien dans la région pour tenir une réunion
et dire que nous voulons une Algérie algérienne. Moi-même j’ai rencontré
Krim au marché hebdomadaire au lendemain de cet acte, et il m’a dit que
s’il avait trouvé mon frère, il l’aurait tué. Il y a eu aussi
l’arrestation des membres du comité central Ouali Benaï et Ould Hamouda,
ce qui a causé la rupture totale. Quand je suis allé à Tunis, j’ai
rencontré Benkhedda à qui j’ai demandé pourquoi avoir condamné et
exécuté Benaï Ouali, il m’a dit vous voulez encore revenir à cette
histoire de 49 au berbérisme. Il y a donc eu des séquelles très graves
qui sont restées même après l’indépendance jusqu’au printemps 1980. En
1961, à ma sortie du camp zéro, j’ai été invité par Krim à me rendre à
Tunis. Ce dernier m’a dit : « C’est maintenant que j’ai compris qu’un
Kabyle ne serait jamais président du GPRA. » A l’époque, on lui a
préféré Ferhat Abbas, alors que Krim était plus qualifié sur le plan
militaire. Même Abane Ramdane était contre le berbérisme. Il me
reprochait toujours d’être berbériste et pourtant c’est lui qu’on a
décrit comme berbériste après et exécuté. Il y avait donc une situation
très difficile avant et après 1954. » Interview de Hocine Benhamza, le
28 janvier 2004, sur radio Campus Lille par Anzar. Hocine Benhamza est
docteur en sciences économiques de l’université de Paris, militant au
sein du PPA, ancien détenu politique pendant la guerre d’Algérie. Il a
côtoyé les chefs historiques, mais aussi la première académie berbère.
Aujourd’hui retraité, il est écrivain, fondateur de l’association
africaine de libre pensée et militant au sein de l’union des forces de
contestation algérienne.
« A la fédération de France du MTLD, il y avait 32
membres dont 28 à l’initiative de Rachid Ali Yahya, étudiant, et sous
l’impulsion de militants kabyles notamment Benaï Ouali, Ferah Ali,
Oubouzar et d’autres, disaient « nous nous battons pour la démocratie,
la laïcité, l’indépendance et pour une Algérie algérienne ». Messali et
ses partisans, y compris ceux du comité central, disaient « l’Algérie
est un pays arabe. Elle doit se tourner vers les pays du proche orient,
devenir une composante de la nation arabe. L’Algérie est un pays
musulman, il faut promouvoir la religion musulmane ». Et les
responsables kabyles même ceux faisant partie de l’O.S, disaient « oui,
aux revendications berbères mais pas de façon prématuré, il faut d’abord
obtenir l’indépendance avant de poser le problème berbère ». Suite à
toutes ces divergences, le mouvement berbère de base n’a pas été suivi
et, c’est un point à vérifier. »
Qu’est-ce qu’il en est aujourd’hui ? L’Algérie Algérienne
A défaut d’imprimer l’identité berbère aux textes
fondamentaux du mouvement nationaliste, indépendantiste…PPA, MTLD, UDMA,
puis FLN, les militants de la thèse Algérie algérienne ont tenté à
différentes périodes de l’histoire de contribuer aux documents
fondamentaux édifiant la nation algérienne : La Plateforme de la Soummam
1956, La Charte de Tripoli 19962, la Charte d’Alger 1964, la Charte
Nationale, les différentes Constitutions…intégrant la dimension berbère.
Hélas, ces auteurs visionnaires, militants, s’ils ne sont pas tués, ils
sont emprisonnés ou poussés à l’exil. Ce n’est qu’en 1980, la
revendication berbère avec l’adhésion de toutes les couches sociales a
investi la rue, après le refus par les autorités de la tenue d’une
conférence de Mouloud Mammeri, écrivain, chercheur, linguiste… sur la
poésie ancienne kabyle. Le MCB, le mouvement associatif, les ligues des
Droits de l’Homme, l’Amnesty Internationale font la revendication
berbère leur cheval de bataille. Sans parler de l’Académie Berbère, des
sites Web, des radios associatives, de la BRTV et divers relais de la
diaspora berbère. Les partis démocratiques à l’ouverture du processus
démocratiques en 1989, juste après la révolte populaire du 5 octobre
1988 (plus de 500 jeunes ont trouvé la mort) ont intégré la
revendication dans leur projet de société, à l’instar du FFS, RCD
principalement. A des degrés moindres le PT, le PST, le PC… Puis le
mouvement des comités de village après la révolte de 2001, rédigeant la
plateforme d’Elkseur. Ainsi que le MAK, et des petits partis naissant.
L’Arabo Islamisme
Quant à l’Arabo Islamisme, il a évolué et pénétré les
Oulémas, le parti FLN. Il est devenu l’idéologie des militaires qui ont
pris le pouvoir, en renversant le GPRA, le coup d’état de 1965. Ben
Bella n’a-t-il pas dit « Nous sommes des arabes, trois fois ! » pour
faire de beaux yeux à l’Egypte officielle. Laquelle a envoyé des frères
musulmans, adeptes de Ahmed El Bana, chef du parti des Frères Musulmans,
grand-père de Tarek Ramadan, dans le cadre de la coopération panarabe
pour arabiser et islamiser l’école algérienne. Maintenant on connaît le
résultat. Une jeunesse triplement analphabète, sans repères, sans idéal…
Une jeunesse qui a gonflé les groupes de terroristes, en se donnant
comme kamikazes. A l’ouverture du processus démocratique, l’idéologie
arabo islamiste a nourri et investi les partis islamistes modérés ou
radicaux : FIS, HAMA, NAHDHA et les groupes terroristes : GIA, MIA,
Hidjra, GSPC.
Aujourd’hui, le président A. Bouteflika impose un
Référendum pour l’officialisation de la langue berbère. La thèse arabo
islamiste est encore de rigueur.
De Nacer Boudjou, Longwy, 3 avril 2005
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