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TARIFIT ⵝⴰⵔⵉⴼⵉⵝ (Maroc)

LE RIFAIN OU TARIFIT (Maroc)

 Le rifain (tarifit ou tamazight) est parlé au Nord-Est du Maroc, le long de la côte méditerranéenne (voir carte). La population de langue rifaine peut être estimée à 3 millions de personnes. Comme de nombreux autres berbérophones (Kabyles, Chleuhs…), les Rifains habitent une région montagneuse déshéritée ; en conséquence, depuis longtemps, ils émigrent pour assurer leur subsistance. Jusqu’aux années 1960, les Rifains allaient en Algérie voisine, surtout en Oranie, pour y chercher du travail. Depuis le milieu des années 1960, ils sont venus en masse dans les grandes régions industrielles de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne. Ils constituent même une nette majorité des populations d’origine marocaine en Belgique et aux Pays-Bas. En France, ils sont surtout présents dans le Nord et en Picardie (Amiens).

Le rifain : un dialecte berbère très particulier au plan phonétique

Le rifain présente de nombreuses et importantes particularités de prononciation qui le distinguent fortement des autres dialectes berbères, même ses voisins marocains. Certaines de ces particularités, comme la spirantisation des consonnes occlusives berbères, peuvent se retrouver dans d’autres dialectes notamment le kabyle, d’autres sont très spécifiques au rifain.
1. A côté des trois voyelles berbères de base /i, u, a/, de nombreux parlers rifains possèdent des voyelles longues. Ces voyelles longues proviennent de la disparition de /r/ après voyelle, selon le schéma d’évolution suivant :
voyelle + /r/ > voyelle longue : /v + r/ > [vv] :
/a + r/ > [aa] : amɣar "vieux" > amɣaa ; argaz "homme" > aagaz
/i + r/ > [yar > yaa] : ir > yar > yaa "mauvais" ; tasirt > tasyaat "moulin"
/u + r/ > [war < waa] : ur/wer > war > waa "ne" (négation) ; tamurt > tamwaat "pays".
A la finale, ce /r/ peut réapparaître si le mot est suivi d’un suffixe grammatical ou en cas de liaison phonétique avec le mot suivant :
amɣaa " vieux, beau-père" (< amɣar)
Mais : amɣaa + démonstratif -a "ce/-ci" > amɣar-a "ce vieux"
amɣaa + immuten "le vieux qui est décédé" > amɣar immuten
2. Dans la majorité des parlers rifains, le /l/ berbère est réalisé [r] :
ilem > irem "peau"
adfel > adfer "neige"
3. Le /ll/ tendu (ou redoublé) berbère est très souvent réalisé en affriquée [g] ("dj"):
alli > agi "cerveau"
agellid > azegid, "roi"
4. La suite de consonnes /lt/ (API [lθ]) évolue souvent vers l’affriquée [c] ("tch"):
ultma > ucma "sœur"
5. La spirantisation (affaiblissement ; voir "Introduction grammaticale") des consonnes occlusives berbères est assez générale ; dans le cas de /g/ et /k/ (palato-vélaires) les évolutions sont assez diversifiées:
/k/ > [y] ou [š] (ch) : tfukt > tfuyt ou tfušt "soleil"
/g/ > [y] ou [ž] (j) : yugur > yuyur ou yužur "il est parti" ; agem > ayem "puiser".
La grande majorité des parlers rifains, notamment ceux de la zone centrale du Rif, connaissent ces évolutions phonétiques, mais elles ne sont pas généralisées à toute la région et sont souvent fluctuantes ; elle sont notamment ignorées dans les parlers de l’Est du Rif (Ikebdanen, Iznassen…) qui sont donc beaucoup plus proches de la prononciation des autres dialectes berbère, notamment le kabyle.
Depuis une dizaine d’années, il y a des débats réguliers dans les milieux universitaires et associatifs rifains, aussi bien au Maroc qu’en Europe, pour essayer de fixer une orthographe unifiée et stabilisée du rifain. Actuellement, les pratiques restent très diverses et largement déterminées par les prononciations locales. Le problème du rifain est en fait assez compliqué car cette variété de berbère est à la fois diversifiée en elle même et fortement divergente par rapport au reste du berbère.

Orientation bibliographique pour le rifain

L'essentiel des références anciennes sera à rechercher sous les noms de :
BIARNAY, COLIN, DESTAING, JUSTINARD, RENISIO, IBAÑEZ, SARRIONANDIA.
  • CADI K. : Système verbal rifain. Forme et sens, Paris/Louvain, Peeters, 1987.
  • EL AYOUBI M. : Les merveilles du Rif, Contes berbères, édition bilingue berbère-français, , Utrecht, M. Th. Houtsma Stiching, 2000
  • KOSSMANN M. : Esquisse grammaticale du rifain oriental, Paris/Louvain, Peeters, 2000.
Pour les problèmes de la notation la notation ususuelle du Rifain, voir:
  • Actes de la table ronde internationale "Vers une standardisation de l’écriture berbère (tarifit) : implications théoriques et solutions pratiques - Université d’Utrecht, novembre 1996", Propositions pour la notation usuelle à base latine du rifain, Synthèse des travaux et conclusions élaborée par M. Lafkioui, multigraphié, 1997.
  • Lafkioui M., 1999, "Propositions pour la notation usuelle à base latine du berbère etapplication sur le rifain" - dans les Actes du 5e colloque de l’Université d’été d’Agadir L’enseignement / Apprentissage de l’Amazighe : expériences, problématiques et perspectives (juillet 1996), Agadir, Association de l’Université d’été d’Agadir.
  • Lafkioui M., 2000, « Propositions pour la notation usuelle à base latine du rifain », dans les Comptes rendus du G.L.E.C.S. (du 30 janvier 1997), tome XXXIII, Paris, Publications Langues’O.
  • Lafkioui M., 2002, « Le rifain et son orthographe : entre variation et uniformisation », Codification des langues de France (Actes du Colloque "Les langues de France et leur codification : écrits divers, écrits ouverts", mai 2000, Inalco/Dglflf), Paris, L’Harmattan, 2002, p. 341-354.

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