Poterie amazighe
Poterie amazighe

Les Amazighs sont les premiers habitants de l’Afrique
du Nord. Dans les régions montagneuses, l’influence exercée par les
Phéniciens et les Grecs est restée très superficielle et si la population a adopté l’Islam, il n’en reste pas moins qu’elle a conservé
bon nombre de croyances et de pratiques transmises de génération en
génération depuis la Préhistoire. Les femmes des sociétés rurales
nord-africaines, à la fois potières et tisseuses, sont dépositaires
d’une culture et d’un savoir-faire ancestral qui tend aujourd’hui à se
perdre avec l’exode rural et le développement économique.

C’est l’archaïsme des techniques de fabrication qui en
fait l’antiquité. Les motifs géométriques qui ornent ces poteries - que
l’on retrouve sur les textiles et les tatouages des femmes - sont
porteurs d’une signification symbolique dont l’origine remonte à
l’époque néolithique et que l’on retrouve dans tous les continents.
Cet art traditionnel original est en résonance avec la sensibilité
contemporaine. À la fonctionnalité et à la beauté de ces objets,
s’ajoute leur dimension sacrée immémoriale.
Formes et fonctions


Certaines jarres,, contenaient aussi du lait ou de
l’huile. Quant à la belle jarre appelée « cruche », il est possible
qu’elle ait joué un rôle culturel de vase à offrande votive.
Pots, cruches et gargoulettes

Avec la lampe à huile, la gargoulette est l’un des
deux objets qui témoignent des inventions formelles les plus
extraordinaires de la part des potières. La diversité de ses formes est
remarquable. Il existe aussi des doubles gargoulettes, comme celle de la
dernière image. Le côté utilitaire semble parfois secondaire par
rapport à l’aspect décoratif. Avec la diversité et l’audace de ses
formes, la personnalisation de son décor, toujours bien assorti à la
forme, la gargoulette apparaît comme l’objet emblématique de la poterie
amazighe algérienne.
Si la plupart des gargoulettes proviennent de Grande Kabylie, les pots
et les cruches illustrent des styles issus de régions différentes.
Conservation et préparation des aliments
Les céréales constituent la base de l’alimentation
des familles, complétées de légumes, de fruits et de laitage. L’huile
et la graisse de mouton apportent le complément de matières grasses. La
volaille et la viande sont rares et plutôt réservées aux jours de fête
où elles agrémentent le bouillon de légumes servi avec le couscous,
véritable plat national dont la consommation, avérée dès le 15ème
siècle, pourrait remonter à l’Antiquité.
Le principal repas était le repas du soir. Dans la
famille patriarcale, les hommes étaient servis par les femmes qui ne
mangeaient qu’ensuite avec les grandes filles et les jeunes enfants. On
mangeait à même le sol, assis sur une natte, autour du plat collectif.
Le service était très codifié. C’est la femme la plus âgée qui servait
les mets préparés par une autre.
La semoule du couscous était disposée dans un grand plat, la viande,
lorsqu’il y en avait, dans un plus petit et le bouillon de légumes dans
un pot. Les aliments solides sont déchirés et mangés à la main, comme
les morceaux de galette et les bouillies roulées en boule. La soupe et
le couscous arrosé sont consommés à l’aide d’une cuiller. On boit à tour
de rôle dans un même pot, à la régalade s’il s’agit d’une gargoulette.
Le couscoussier dans lequel la semoule cuit à la vapeur est posé sur la
marmite où l’eau est chauffée par un réchaud.

La nourriture, en particulier le couscous, est
présentée dans des plats où chacun se sert. Des assiettes, plus petites,
comme celle de la première photo, sont destinées à recevoir l’huile, le
beurre et le miel ou à servir le couscous aux enfants. Ces plats sont
très richement décorés. Ils sont réservés aux grandes occasions :
mariages et fêtes religieuses.
Plats de fête
Les plats les plus spectaculaires proviennent de
Grande Kabylie; ils se caractérisent par leurs grandes dimensions et
leur décor riche et harmonieux. Ces plats de fête de Grande Kabylie sont
caractérisés par un engobe blanc cassé ou bistre sur lequel se
détachent le brun et le rouge des motifs géométriques, le plus souvent
des losanges, des triangles et des damiers. Quand ils ne sont pas
utilisés, ces plats ornent les étagères des maisons aux côtés des lampes
à huile et des gargoulettes.
La pâte avec laquelle on enduit les pieds et les mains de la mariée est
placée dans les coupes. Dans les plats à compartiments, les invités à la
noce déposent 3 œufs, du couscous et des dattes, en signe de
bénédiction des époux. Les grandes lampes à huile, comptent parmi les
réalisations les plus spectaculaires de la poterie féminine amazighe,
tant par leurs formes complexes que par l’abondance de leur décor. Leur
monumentalité et la richesse des motifs qui les décorent s’accordent à
leur rôle de bénédiction religieuse et magique du mariage. La lampe à
huile est l’objet prestigieux porté devant le cortège de la mariée et
l’objet magique déposé dans la chambre nuptiale où il protège les jeunes
mariés et leur assure la fécondité.
Mariage
Les lampes à huile à une seule bobèche, de proportions plus modestes, comme celle de la quatrième photo, sont allumées dans les maisons pour les génies protecteurs du foyer, à l’occasion des veillées mortuaires et, lors des fêtes religieuses ou de la fête de l’Achoura, dans les lieux vénérés objets de culte populaire.Symbolique

Le rapprochement entre les différents objets, quant à
lui, permet de constater que l’on retrouve sur les textiles et les
tatouages les motifs géométriques peints sur les poteries : les
chevrons, les triangles, les losanges et les zigzags par exemple. Ces
motifs ont traversé les âges depuis l’époque néolithique et les
spécialistes s’accordent pour considérer que ces signes relèvent d’une
intention magico religieuse : conservation de soi et de l’espèce,
fertilité de la terre et des hommes, culte des morts, magie protectrice.
Aujourd’hui, leur signification se perd et les potières interrogées ne
souhaitent pas dévoiler leur sens ou bien l’ignorent et les assimilent à
des objets de leur entourage ou à des éléments du paysage environnant.
Parmi ces motifs, on trouve en particulier : le
zigzag, image de l’eau fécondante ; les décors de losanges et de
triangles associés à la fécondité des femmes et à la fertilité de la
terre ; les chaînes de triangles, figures de la fécondité des femmes, de
la copulation ou de l’accouchement ; ils sont aussi associés à la
symbolique du nombre 3 qui apparaît dans les religions et les rites
divinatoires. Le serpent, symbole de la virilité, mais aussi de la
régénération, est également un talisman contre les esprits du mal.
On remarquera également le scorpion menaçant et
protecteur ; les étoiles et les semis de points en cercle que l’on peut
interpréter comme les représentations du soleil et de la terre et de la
source de vie, de la chaleur et de la lumière ; le carré, image des
aires de culture et des grains ; la croix, emblème du monde terrestre
avec ses 4 points cardinaux et ses 4 saisons ; et l’arbre de vie,
symbole de la famille et de l’abondance sur terre.
Artistes
Nous connaissons les noms des artistes qui ont réalisé des poteries anciennes parce que les administrateurs ou les ethnologues qui ont collecté ces œuvres ont pris la peine de noter leurs auteurs. Cette situation est exceptionnelle. En effet, les potières travaillaient pour les besoins de leur famille et ne cherchaient pas d’autre reconnaissance que l’estime de leur entourage en particulier des autres potières de leur tribu.
Aujourd’hui, la pratique de la poterie traditionnelle
est en voie d’extinction et ne subsiste plus que dans quelques villages
isolés de montagne. Une production nouvelle, destinée aux amateurs
étrangers a fait son apparition. Elle ne manque pas de charme,
d’exubérance et d’humour et témoigne encore de l’habileté des potières
et de leur capacité à intégrer des éléments de la vie moderne dans le
choix des motifs décoratifs avec l’apparition d’avions ou d’automobiles.
En marge de cette production commerciale se développe
un art de la céramique puissamment original, enraciné dans la tradition
millénaire et ouvert à l’utilisation de techniques nouvelles. Les
créations de Ouiza Bacha et de Fatima Kerrache,
présentées dans l’exposition au musée du quai Branly à Paris,,
témoignent de ce renouveau et de cette fidélité aux valeurs ancestrales
de son peuple.
Aucun commentaire
Azul !